Interfaces | Territoires dansés en commun : lorsque la frontière n’est plus une barrière

Depuis 2018 et jusqu’à fin 2021, le projet TDC – Territoires Dansés en Commun – souffle un vent dansé sur des territoires franco-suisses. Focus sur ce projet transfrontalier qui fait bouger les lignes et amène à repenser la notion de frontière, politique et corporelle.

Décembre 2018. Des amateurs évoluent sur les parvis des gares de Delémont et de Belfort-Montbéliard TGV. Ils sont une trentaine, habitants des régions transfrontalières, emmitouflés, les joues rougies, giflées par le vent et la pluie. La météo capricieuse n’entame en rien leur joie d’être ensemble. Ils dansent, reliés par de fines tiges souples. Ils inaugurent en mouvement la ligne ferroviaire Belfort-Delle-Bienne. Ils symbolisent la connexion de territoires transfrontaliers. Par ce spectacle participatif (JONCTION), ils donnent le coup d’envoi du projet TDC – Territoires Dansés en Commun, porté par VIADANSE Direction Fattoumi/Lamoureux, Centre chorégraphique national de Bourgogne-Franche-Comté à Belfort et l’AICC (Association interjurassienne des centres culturels) et ses partenaires d’Evidanse.

Développer l’éducation artistique et culturelle en danse entre la France et la Suisse

Depuis, le projet TDC a vu éclore bon nombre d’activités sur son périmètre d’action que sont le Territoire de Belfort, le Pays de Montbéliard, le Canton du Jura et la partie francophone du Canton de Berne. Des activités qui s’étirent jusqu’à fin 2021 et dont la principale ambition est de développer la danse en milieu scolaire, socioculturel, médico-éducatif.

Nos corps, nos territoires

Si les territoires géopolitiques de TDC sont multiples, il est un territoire que tous les publics impliqués dans ce projet partagent : le corps. C’est sous ce prisme que TDC a été imaginé pour faire bouger les lignes et les frontières. Et puisqu’il est question de frontière, revenons-nous sur ce mot. La Terre n’a pas accouché de ces tracés qui font couler tant d’encre aujourd’hui. Les frontières ne sont pas des œuvres de la nature. Elles sont une invention de l’homme, s’appuyant sur des éléments topographiques (fleuves, montagnes…) pour créer des territoires. Ou n’hésitant pas à tailler dans l’invisible pour y ériger des lignes de démarcation et des murs.

De frontière naturelle, nous en possédons pourtant tous une, visible et palpable : la peau. Dénominateur commun de l’humanité, barrière protectrice, elle dessine des corps aux contours et reliefs uniques. Nos corps sont des pays. Entrer en danse rend ces pays modulables. Ni figés, ni gravés dans le marbre. En dansant avec l’autre, nous explorons un territoire étranger : en pénétrant son espace vital (sa kinésphère), nous naviguons dans ses « eaux territoriales ». En allant jusqu’au contact physique, nous accostons de manière franche sur sa peau, sa barrière naturelle et intime.

En faisant de la danse son terrain de prédilection, TDC est une école de l’altérité. Il invite les corps engagés dans le projet au dialogue et à l’écoute, au respect et au consentement mutuels. Il favorise des rencontres pacifiques et consenties.

Danse sans frontière, une utopie ?

Le projet TDC porte des valeurs humanistes et inclusives. La danse pour tous, quel que soit l’âge, l’origine, le statut. Et pourtant, la réalité administrative et sociale ne facilite pas toujours les déplacements et le franchissement de la frontière franco-suisse. Sans titres de séjour/papiers, le passage de cette frontière est impossible ou relève du parcours du combattant. Alors comment mettre en œuvre et dynamiser les échanges transfrontaliers et interculturels, au cœur de TDC, lorsque des barrières administratives demeurent ? Comment inclure tous les corps dansants, tous les territoires sensibles que nous sommes ?

Par Géraldine BOUVRY, Responsable de l’action culturelle à VIADANSE – Centre Chorégraphique National de Bourgogne-Franche-Comté à Belfort

(+) d’infos : viadanse.com/tdcevidanse.ch/tdcdanse-tdc.com

Photos : © VIADANSE